Presentation

Autour d'une question

Les Textes

La "question" touaregue

L'argument du particularisme touareg

Arrêt sur image

Schizophrénie

Bandits et démocrates

Les voix de l'ombre

La révolution

Les scissions de la résistance armée

Taxi de la liberté

Introduction

 

 

 

Arrêt sur image

Le Gouvernement nigérien déclarait récemment que "dans un cadre où toutes les possibilités d'expression sont garanties aux Nigériens, à titre individuel comme à titre collectif, il n'est nul besoin de recourir aux armes pour faire valoir ses revendications" (Les positions et propositions du Gouvernement, Le Républicain, 21 avril 94). C'est pourtant dans ce même pays, à Agadez, le samedi 24 septembre 1994, que l'armée a jeté deux grenades sur la foule qui assistait à un concert organisé par le parti de l'UDPS-Amana, dont les membres sont en majorité touaregs. Cette formation politique représente le courant favorable à des solutions négociées du problème touareg. Elle n'est ni interdite ni clandestine, bien que ses candidats aient été empêchés, par arrestation, de se présenter aux dernières élections. Le bilan de cette intervention militaire est de 6 morts et 38 blessés.

A la même période, du côté malien, du 7 au 20 septembre 1994, les parachutistes aidés des Gandakoy, miliciens en armes qu'ils ont formés et armés, ont à nouveau massacré des centaines de civils, et en particulier des femmes et des enfants, dans le Gourma, entre Rharous et Douentza. La tâche s'est poursuivie au mois d'octobre avec l'élimination des habitants d'un village touareg situé au nord de Gao dans des représailles que le premier ministre malien, M. Keita, a qualifiées lui-même de "pogrom" . Une véritable entreprise d' "épuration ethnique", dénonce l'Association des réfugiés et victimes de la répression de l'Azawad. Cependant, hormis quelques articles dans des journaux associatifs, une pétition lancée en juin 1994 par l'association belge Supportgroup for Indigenous Peoples et les propositions de résolution présentées au Parlement européen par la délégation française des Verts ainsi que par le Groupe du parti des s socialistes européens, ces agressions sur des civils depuis 1990 n'ont nullement été médiatisées. Pourquoi ce silence ? Et pourquoi règne-t-il en particulier dans la presse française plus muette encore sur cette question que ses homologues maliens et nigériens ?

 

Schizophrénie

Personne n'ignore que les faits qui définissent une situation dans un espace et un temps donnés ne sont jamais relatés de façon totalement objective. Cependant, en recoupant les choix partiels opérés par différents observateurs, on peut toujours tenter de se faire une opinion sur les "réalités" décrites. Mais que penser lorsque aucune des occurrences ne se croise et que la disparité entre les discours est telle que l'on est en droit de se demander s'il s'agit bien des mêmes événements ?

De fait, les informations concernant le pays touareg donnent lieu à une véritable schizophrénie de langage. Par exemple, au sujet de la situation qui prévaut du côté malien, dans les régions touarègues du fleuve, un abîme existe entre d'une part les voix faibles bien que persévérantes des observateurs de terrain (Touaregs, associations humanitaires, médecins) et, d'autre part, les voix puissantes, omniprésentes et officielles des grands médias. Dans des lettres et communiqués restés, malgré leurs efforts, confidentiels, les premiers ont dénoncé au cours de ces dernières années l'exécution par l'armée et la milice Gandakoy de plusieurs centaines de civils innocents, en produisant la liste des victimes avec leurs noms, âges, activités professionnelles. Par contre, les seconds n'ont jamais fait mention de pogroms, certains évoquant abstraitement des "sévices", non chiffrés, dont les initiateurs agiraient en situation d'" autodéfense", ce qui confère par ailleurs un tout autre sens aux événements (dans ce cadre sont souvent renvoyées dos à dos les exactions dues aux militaires ou aux milices paramilitaires et celles imputées aux groupes armés touaregs et maures).