Presentation

Autour d'une question

Les Textes

La "question" touaregue

L'argument du particularisme touareg

Arrêt sur image

Schizophrénie

Bandits et démocrates

Les voix de l'ombre

La révolution

Les scissions de la résistance armée

Taxi de la liberté

Introduction

 

 

 

Taxi de la liberté

Dans une image associant l'idée de liberté, la mobilité nomade et la technologie moderne, une voix féminine exprime dans ce livre le souhait d'être "un taxi de la liberté" qui d'est en ouest et de nord en sud, sillonnerait son pays de désert.

Ce rêve de liberté saurait-il se concrétiser un jour et à quelles conditions ? Ou bien est-il à classer au rang des utopies, d'autant plus impensables et inaccessibles qu'elles contrarieraient l'ordre établi ? Loin de coïncider ou même de se recouper, désirs et réalité, projets de vie et vécu de ces personnes qui témoignent apparaissent en totale discordance. Où se situent exactement les césures entre la sphère du réel et celle de l'imaginaire ? Les représentations de la "liberté" et de la "parité" seraient-elles à ce point différentes selon qu'on se place du point de vue des minorités nomades saharo-sahéliennes ou du point de vue des pouvoirs qui les administrent ? En fait, ces paroles qui disent la souffrance, l'agonie, l'indifférence des autres et la nécessité de lutter pour simplement arracher le droit de vivre, ces voix qui parlent d'idéaux de morale et de dignité humaine restituent des polarités étrangères à celles invoquées par les hommes politiques, les journalistes, les universitaires, les experts. Elles obligent à s'interroger sur les limites du modèle dominant de l'Etat moderne et sur son aptitude à penser l'altérité. Elles inclinent à rechercher des solutions alternatives qui seraient davantage émancipatrices, parvenant à concilier droits individuels et droits communautaires. Enfin, elles contraignent à constater que les positions apparemment opposées du refus de la différence (au nom de l'égalitarisme et de l'universalisme) ou au contraire de son acceptation peuvent aboutir aux mêmes résultats selon les présupposés sur lesquels elles s'appuient : l'idée de l'inégale valeur morale des cultures conduit dans les deux modèles à la discrimination, à l'exclusion et à la stigmatisation, tandis que la reconnaissance de leur équivalence dans ce domaine permet le respect mutuel, l'échange, l'élargissement et la fusion des horizons.

Pour comprendre la lutte des peuples minorisés par la voracité des Etats dominants actuels, la vision évolutionniste et hiérarchique ­ qui se contente d'opposer benoîtement des sociétés taxées de tribales, féodales, archaïques, particularistes, à celles, hégémoniques, qui auraient le monopole de l'organisation politique, démocratique, moderne et universaliste ­ ne sert finalement qu'à voiler les réalités politiques de spoliation et de viol que ces sociétés brisées continuent d'endurer. Ainsi, les utopies portées par les marges - qu'elles soient politiques, économiques, sociales, culturelles, linguistiques - aussi foisonnantes que contrastées, souvent innovantes, jamais immobiles, sont atrophiées au profit du "développement" à sens unique qui déjà les a vouées à l'extinction, préférant le monologue au dialogue et préparant le terreau des extrémismes de demain.